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donné à un mouvement de colère… et surtout pardonnez à celui qui m’outrage.

Malgré sa résignation apparente, la voix du jésuite était profondément altérée ; il lui semblait sentir un fer brûlant sur sa joue ; car, pour la première fois de sa vie, de sa vie de soldat ou de prêtre, il subissait une pareille insulte ; il s’était jeté à genoux, autant par mômerie que pour ne pas rencontrer le regard du maréchal, craignant, s’il le rencontrait, de ne pouvoir plus répondre de soi, et de se laisser entraîner à ses impétueux ressentiments.

En voyant le jésuite tomber à genoux, en entendant son hypocrite invocation, le maréchal, qui avait déjà mis l’épée à la main, frémit d’indignation et s’écria :

— Debout… fourbe… infâme, debout, à l’instant !

Et de sa botte, le maréchal crossa rudement le jésuite.

À cette nouvelle insulte, le père d’Aigrigny se redressa et bondit comme s’il eût été mû par un ressort d’acier. C’était trop ; il n’en pouvait supporter davantage. Emporté, aveuglé par la rage, il se précipita vers la table où était l’autre épée, la saisit, et s’écria en grinçant des dents :