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de tâcher de calmer, d’encourager, de ranimer cette âme abattue ; au lieu d’engager M. Hardy à chercher l’oubli, la consolation de ses chagrins dans l’accomplissement de ses devoirs envers l’humanité, envers ses frères qu’il avait déjà tant aimés et secourus, le père d’Aigrigny aviva les plaies saignantes de cet infortuné, lui peignit les hommes sous les plus atroces couleurs, les lui montra fourbes, ingrats, méchants, et parvint à rendre son désespoir incurable.

Ce but atteint, le jésuite fit un pas de plus. Sachant l’adorable bonté du cœur de M. Hardy, profitant de l’affaiblissement de son esprit, il lui parla de la consolation qu’il y aurait pour un homme accablé de chagrins désespérés à croire fermement que chacune de ses larmes, au lieu d’être stérile, était agréable à Dieu, et pouvait aider au salut des autres hommes ; à croire enfin, ajoutait habilement le révérend père, qu’il était donné au fidèle seul d’utiliser sa douleur en faveur d’aussi malheureux que lui et de la rendre douce au Seigneur.

Tout ce qu’il y a de désespérant et d’impie, tout ce qui se cache d’atroce machiavélisme politique dans ces maximes détestables qui font du Créateur, si magnifiquement bon et paternel, un Dieu impitoyable, incessamment altéré des