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tèrent sur le Christ en croix qui dominait le calvaire, de même que la Juive errante avait fixé son regard sur la paupière de granit du saint martyr.

Le Christ, la tête inclinée sous le poids de sa couronne d’épines, semblait du haut de sa croix contempler avec douceur et pardon l’artisan qu’il avait maudit depuis tant de siècles… et qui, à genoux, renversé en arrière, dans une attitude d’épouvante et de prière, tendait vers lui ses mains suppliantes.

« Ô Christ !… s’écria le Juif, le bras vengeur du Seigneur me ramène au pied de cette croix si pesante que tu portais, brisé de fatigue… ô Christ ! lorsque tu voulus t’arrêter pour te reposer au seuil de ma pauvre demeure, et que, dans ma dureté impitoyable, je te repoussai en te disant : « Marche !… marche !… » Et voici qu’après ma vie errante, je me retrouve devant cette croix… et voici qu’enfin mes cheveux blanchissent… Ô Christ ! dans ta bonté divine, m’as-tu donc pardonné ? Suis-je donc arrivé au terme de ma course éternelle ! Ta céleste clémence m’accordera-t-elle enfin ce repos du sépulcre qui, jusqu’ici, hélas ! m’a toujours fui ?… Oh ! si ta clémence descend sur moi… qu’elle descende aussi sur cette femme… dont le supplice est égal au mien !… Protège aussi