Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.

maine… et c’est pour venger sa mort que le Seigneur m’avait condamnée à une marche éternelle…

« Ô mon Dieu ! faites que je ne sois pas la seule pardonnée… Celui-là, l’artisan qui, comme moi, la fille du roi… marche aussi depuis des siècles… celui-là,… comme moi, peut-il espérer d’atteindre le terme de sa course éternelle ?

« Où est-il, Seigneur… où est-il ?… Cette puissance, que vous m’aviez donnée de le voir, de l’entendre à travers les espaces, me l’avez-vous retirée ? Oh ! dans ce moment suprême, ce don divin, rendez-le-moi… Seigneur… car, à mesure que je ressens ces infirmités humaines, que je bénis comme la fin de mon éternité de maux, ma vue perd le pouvoir de traverser l’immensité, mon oreille le pouvoir d’entendre l’homme errant d’un bout du monde à l’autre. »

La nuit était venue… obscure… orageuse…

Le vent s’était élevé au milieu des grands sapins.

Derrière leur cime noire commençait à monter lentement, à travers de sombres nuées, le disque argenté de la lune…

L’invocation de la Juive errante fut peut-être entendue…