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que de timidité, et où le maréchal crut voir une indifférence naïve, il ne douta plus du peu d’affection de ses filles pour lui.

— C’est fini, pensa le malheureux père en contemplant ses enfants. Rien ne vibre en elles ;… que je parte… que je reste… peu leur importe ! Non… non… je ne suis rien pour elles, puisqu’en ce moment suprême où elles me voient peut-être pour la dernière fois… l’instinct filial ne leur dit pas que leur tendresse me sauverait…

Pendant cette réflexion accablante, le maréchal n’avait pas cessé de contempler ses filles avec attendrissement, et sa mâle figure prit alors une expansion si touchante et si déchirante, son regard disait si douloureusement les tortures de son âme au désespoir, que Rose et Blanche, bouleversées, épouvantées, cédant à un mouvement spontané, irréfléchi, se jetèrent au cou de leur père, et le couvrirent de larmes et de caresses.

Le maréchal Simon n’avait pas dit un mot, ses filles n’avaient pas prononcé une parole, et tous trois s’étaient enfin compris… Un choc sympathique avait tout à coup électrisé et confondu ces trois cœurs…

Vaines craintes, faux doutes, avis mensongers, tout avait cédé devant cet élan irrésistible