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trefois si ronds et si roses, et alors pâles et amaigris, avait succédé une expression de tristesse grave et touchante ; leurs grands yeux d’un azur limpide et doux, mais toujours rêveurs, n’étaient plus jamais baignés de ces joyeuses larmes qu’un bon rire frais et ingénu suspendait à leurs cils soyeux, alors que le sang-froid comique de Dagobert ou quelque muette facétie du vieux Rabat-Joie venait égayer leur pénible et long pèlerinage.

En un mot, ces charmantes figures, que la palette fleurie de Greuze aurait seule pu rendre dans toute leur fraîcheur veloutée, étaient dignes alors d’inspirer le pinceau si mélancoliquement idéal du peintre immortel de Mignon regrettant le ciel, et de Marguerite songeant à Faust[1].

Rose, appuyée au dossier du canapé, avait la tête un peu inclinée sur sa poitrine, où se croisait un fichu de crêpe noir ; la lumière venant d’une fenêtre qui lui faisait face brillait doucement sur son front pur et blanc, couronné de deux épais bandeaux de cheveux châtains ; son regard était fixe, et l’arc délié de ses sourcils légèrement contractés annonçait une préoc-

  1. Est-il besoin de nommer M. Ary Scheffer, un de nos plus grands peintres de l’école moderne, et le plus admirablement poëte de tous nos grands peintres ?