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du châtiment, et c’est ce châtiment que Rodin s’efforçait de peindre à sa victime sous de si terribles couleurs.

M. Hardy, les mains jointes, la prunelle fixe et dilatée par l’effroi, tressaillant de tous ses membres, semblait écouter encore Rodin, quoique celui-ci eût cessé de parler… et répétait machinalement :

Maudit !… maudit !… maudit !…

Puis tout à coup, il s’écria dans une sorte d’égarement :

— Et moi aussi… je serai maudit ! Cette femme à qui j’ai fait oublier des devoirs sacrés aux yeux des hommes, que j’ai rendue mortellement coupable aux yeux de Dieu… cette femme, un jour aussi plongée dans les flammes éternelles, les bras tordus par le désespoir… pleurant du sang… me criera du fond de l’abîme : Maudit !… maudit !… maudit !… Un jour, ajouta-t-il avec un redoublement de terreur, un jour… et qui sait ? à cette heure peut-être, elle me maudit… car ce voyage à travers l’Océan… s’il lui avait été fatal ! si un naufrage ! Oh ! mon Dieu… elle aussi… morte… morte en péché mortel… à jamais damnée ! oh ! pitié… pour elle… mon Dieu !… accablez-moi de votre courroux ; mais pitié pour elle… je suis le seul coupable…