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vais me retrouver dans ce monde à tout jamais pour moi froid et désert.

— Mais ces braves artisans qui vous attendent, qui vous bénissent, ne le peupleront-ils pas, ce monde ?

— Oui… mon frère, dit M. Hardy avec amertume ; mais autrefois… à ce doux sentiment de faire le bien, se joignaient pour moi deux affections qui se partageaient ma vie ;… elles ne sont plus, et laissent dans mon cœur un vide immense. J’avais compté sur la religion… pour le remplir. Mais, hélas !… pour remplacer ce qui me cause de si amers regrets, on n’a donné pour pâture, à mon âme désolée, que mon seul désespoir… en me disant que plus je le creuserais, plus j’y trouverais de tortures… plus je serais méritant aux yeux du Seigneur…

— Et l’on vous a trompé, mon frère, je vous l’assure ; c’est le bonheur, et non la douleur, qui est, aux yeux de Dieu, la fin de l’humanité ; il veut l’homme heureux, parce qu’il le veut juste et bon.

— Oh ! si j’avais entendu plus tôt ces paroles d’espérance ! reprit M. Hardy, mes blessures se seraient guéries, au lieu de devenir incurables ; j’aurais recommencé plus tôt l’œuvre de bien que vous m’engagez à poursuivre ; j’y aurais trouvé la consolation, l’oubli de mes maux