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constater aux yeux de tous, en se montrant dans sa voiture, qu’en effet elle vivait entièrement libre et indépendante, contrairement à tous les usages, à toutes les convenances. Cette sorte d’émancipation semblait quelque chose de monstrueux, et l’on était presque étonné de ce que le maintien de la jeune fille, rempli de grâce et de dignité, démentît complètement les calomnies répandues par madame de Saint-Dizier et ses amis à propos de la folie prétendue de sa nièce.

Plusieurs beaux, profitant de ce qu’ils connaissaient la marquise de Morinval ou M. de Montbron, vinrent tour à tour la saluer et marchèrent pendant quelques minutes au pas de leurs chevaux à côté de la calèche, afin d’avoir l’occasion de voir, d’admirer et peut-être d’entendre mademoiselle de Cardoville ; celle-ci combla tous ces vœux en parlant avec son charme et son esprit habituels ; alors la surprise, l’enthousiasme, furent à leur comble ; ce que l’on avait d’abord taxé de bizarrerie presque insensée devint une originalité charmante, et il n’eût tenu qu’à mademoiselle de Cardoville d’être, de ce jour, déclarée la reine de l’élégance et de la mode.

La jeune fille se rendait très-bien compte de l’impression qu’elle produisait ; elle en était