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— Du mal que je fais ? (Et Rodin regarda fixement le comte.) Jouons-nous aux énigmes ?

— Et qu’est-ce donc, monsieur, s’écria le comte avec indignation, que d’avoir, par vos mensonges, plongé le prince dans un désespoir si affreux, qu’il a voulu deux fois attenter à ses jours ? Qu’est-ce donc d’avoir aussi, par vos mensonges, jeté mademoiselle dans une erreur si cruelle et si complète, que, sans la résolution que j’ai prise aujourd’hui, cette erreur durerait encore et aurait eu des suites les plus funestes ?

— Et pourriez-vous me faire l’honneur de me dire, M. le comte, quel intérêt j’ai, moi, à ces désespoirs, à ces erreurs, en admettant même que j’aie voulu les causer ?

— Un grand intérêt, sans doute, dit durement le comte, et d’autant plus dangereux qu’il est plus caché ; car vous êtes de ceux, je le vois, à qui le mal d’autrui doit rapporter plaisir et profit.

— C’est trop, M. le comte, je me contenterai du profit, dit Rodin en s’inclinant.

— Votre impudent sang-froid ne me donnera pas le change. Tout ceci est grave, reprit le comte. Il est impossible qu’une si perfide fourberie soit un acte isolé… Qui sait si ce n’est pas un des effets de la haine que ma-