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tenant que je n’ai pas un moment cessé de l’aimer, comme elle doit être aimée… avec adoration, avec respect ; toi, au contraire, en me conseillant comme tu l’as fait… ton dessein était de l’éloigner de moi à jamais ; tu as failli réussir.

— Monseigneur… si vous pensez cela de moi… vous devez me regarder comme votre plus mortel ennemi…

— Ne crains rien, te dis-je ;… je n’ai pas le droit de te blâmer… Dans le délire du chagrin, je t’ai écouté… j’ai suivi tes avis ;… je n’ai pas été ta dupe, mais ton complice… Seulement, avoue-le, me voyant à ta merci, abattu, désespéré, n’était-ce pas cruel à toi de me conseiller ce qui pouvait m’être le plus funeste au monde ?

— L’ardeur de mon zèle m’aura égaré, monseigneur.

— Je veux te croire… Mais pourtant aujourd’hui… encore des excitations mauvaises ;… tu as été sans pitié pour mon bonheur comme tu avais été sans pitié pour mon malheur ;… ces délices du cœur où tu me vois plongé ne t’inspirent qu’un désir… celui de changer cette ivresse en désespoir.

— Moi, monseigneur ?

— Oui, toi ;… tu as pensé qu’en suivant tes conseils, je me perdrais, je me déshonorerais