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que le meilleur, que le plus noble cœur qu’il y ait au monde a été à moi, est à moi… sera toujours à moi… Allons, Madeleine, laissons la honte aux passions mauvaises ; allons, le front haut, relève les yeux, regarde-moi… Tu sais si mon visage a jamais menti ;… tu sais si une émotion feinte s’y est jamais réfléchie… eh bien ! regarde-moi, te dis-je, regarde… et tu liras sur mes traits combien je suis fier, oui, entends-tu, Madeleine ? légitimement fier de ton amour…

La Mayeux, éperdue de douleur, écrasée de confusion, n’avait pas jusqu’alors osé lever les yeux sur Agricol ; mais la parole du forgeron exprimait une conviction si profonde, sa voix vibrante révélait une émotion si tendre, que la pauvre créature sentit malgré elle sa honte s’effacer peu à peu, surtout lorsque Agricol eut ajouté avec une exaltation croissante :

— Va, sois tranquille, ma noble et douce Madeleine, de ce digne amour… j’en serai digne : crois-moi, il te causera autant de bonheur qu’il t’a causé de larmes… Pourquoi donc cet amour serait-il désormais pour toi un sujet d’éloignement, de confusion ou de crainte ? Qu’est-ce donc que l’amour, ainsi que le comprend ton adorable cœur ? Un continuel échange de dévouement, de tendresse, une estime pro-