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— De me marier…

— Sans doute ; de cette façon, votre chère liberté… avec ses conséquences, au lieu de s’appeler mademoiselle de Cardoville… se serait appelée madame de… qui vous voudrez… Nous vous aurions trouvé un excellent mari qui eût été responsable… de votre indépendance…

— Et qui aurait été responsable de ce ridicule mari ? et qui se serait dégradée jusqu’à porter un nom moqué, bafoué par tous ?… Moi, peut-être ? dit Adrienne en s’animant légèrement. Non, non, mon cher comte ; en bien ou en mal, je répondrai toujours seule de mes actions ; à mon nom s’attachera, bonne ou mauvaise, une opinion que, seule du moins, j’aurai formée, car il me serait aussi impossible de déshonorer lâchement un nom qui ne serait pas le mien, que de le porter s’il n’était pas continuellement entouré de la profonde estime qu’il me faut. Or, comme on ne répond que de soi… je garderai mon nom.

— Il n’y a que vous au monde pour avoir des idées pareilles.

— Pourquoi ? dit Adrienne en riant, parce qu’il me paraît… disgracieux de voir une pauvre jeune fille pour ainsi dire s’incarner et disparaître dans quelque homme très-laid et très-égoïste, et devenir, comme on le dit sans