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heureuse fille, toute palpitante de jeunesse, et clouée sur sa chaise dix-huit heures par jour… dans quelques taudis sombre et infect ; le tentateur parle de vêtements élégants et frais, et la mauvaise robe qui couvre l’ouvrière ne la défend pas même du froid ; le tentateur parle de mets délicats… et le pain qu’elle dévore est loin de rassasier chaque soir son appétit de dix-sept ans…

Alors elle cède à ces offres pour elle irrésistibles.

Et bientôt vient le délaissement, l’abandon de l’amant ; mais l’habitude de l’oisiveté est prise, la crainte de la misère a grandi à mesure que la vie s’est un peu raffinée ; le travail, même incessant, ne suffirait plus aux dépenses accoutumées ;… alors, par faiblesse, par peur… par insouciance… on descend d’un degré de plus dans le vice ; puis enfin l’on tombe au plus profond de l’infamie, et, ainsi que le disait Céphyse, les unes vivent de l’infamie… d’autres en meurent.

Meurent-elles comme Céphyse ? on doit les plaindre plus encore que les blâmer.

La société ne perd-elle pas ce droit de blâme dès que toute créature humaine, d’abord laborieuse et honnête, n’a pas trouvé, disons-le toujours, en retour de son travail assidu, un