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— Oh ! mon Dieu ! s’aimer ainsi… et se quitter… pour jamais, dit Céphyse, c’est bien cruel… pourtant.

— Se quitter… s’écria la Mayeux (et son pâle et doux visage inondé de larmes resplendit tout à coup d’une divine espérance), se quitter, sœur, oh ! non, non. Ce qui me rend si calme… vois-tu ?… c’est que je sens là, au fond du cœur, une aspiration profonde, certaine, vers ce monde meilleur où une vie meilleure nous attend ! Dieu… si grand, si clément, si prodigue, si bon, n’a pas voulu, lui, que ses créatures fussent à jamais malheureuses ; mais quelques hommes égoïstes, dénaturant son œuvre, réduisent leurs frères à la misère et au désespoir… Plaignons les méchants et laissons-les… Viens là-haut, sœur ;… les hommes n’y sont rien, Dieu y règne seul ;… viens là-haut, sœur, on y est mieux ;… partons vite… car il est tard.

Ce disant, la Mayeux montra les rouges lueurs du couchant qui commençaient à empourprer les carreaux de la fenêtre.

Céphyse, entraînée par la religieuse exaltation de sa sœur, dont les traits, pour ainsi dire transfigurés par l’espoir d’une délivrance prochaine, brillaient doucement colorés par les rayons du soleil couchant, Céphyse saisit les