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un sentiment généreux, fit de violents efforts pour arriver au premier rang des acteurs de cette scène, y parvint, et alors, pâle, indigné, menaçant, il s’écria :

— Vous êtes des lâches, des assassins ! Cet homme est innocent, je le connais… vous répondrez de sa vie…

Une grande rumeur accueillit ces paroles véhémentes du père d’Aigrigny.

— Tu connais cet empoisonneur ! s’écria le carrier en saisissant le jésuite au collet. Tu es peut-être aussi un empoisonneur !

— Misérable ! s’écria le père d’Aigrigny en tâchant d’échapper aux étreintes du carrier ; tu oses porter la main sur moi ?

— Oui… j’ose tout, moi…, répondit le carrier.

— Il le connaît… ça doit être un empoisonneur… comme l’autre, criait-on déjà dans la foule qui se pressait autour des deux adversaires, pendant que Goliath, qui, dans sa chute, s’était ouvert le crâne, faisait entendre un râle agonisant.

À un brusque mouvement du père d’Aigrigny qui s’était débarrassé du carrier, un assez grand flacon de cristal, très-épais, d’une forme particulière et rempli d’une liqueur verdâtre, tomba de sa poche et roula près du corps de Goliath.