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peine de cette mégère. Le nombre des cholériques arrivant à l’Hôtel-Dieu augmentait de minute en minute ; les moyens de transport habituels ayant manqué, à défaut de civières et de brancards, c’était à bras que l’on apportait les malades.

Çà et là des épisodes effrayants témoignaient de la rapidité foudroyante du fléau.

Deux hommes portaient un brancard recouvert d’un drap taché de sang ; l’un d’eux se sent tout à coup atteint violemment, il s’arrête court ; ses bras défaillants abandonnent le brancard ; il pâlit, chancelle, tombe à demi renversé sur le malade, et devient aussi livide que lui… l’autre porteur, effrayé, fuit éperdu, laissant son compagnon et le mourant au milieu de la foule. Les uns s’éloignent avec horreur, d’autres éclatent d’un rire sauvage.

— L’attelage s’est effarouché, dit le carrier ; il a laissé la carriole en plan…

— Au secours ! criait le moribond d’une voix dolente ; par pitié, portez-moi à l’hospice.

— Il n’y a plus de place au parterre, dit une voix railleuse.

— Et tu n’as pas assez de jambes pour monter au paradis, ajouta un autre.

Le malade fit un effort pour se soulever ; mais ses forces le trahirent ; il retomba épuisé