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L’insolente lumière d’un soleil éblouissant rendait plus visible encore l’altération des traits causée par les mille angoisses de la peur. Car chacun trembla, celui-ci pour soi, celui-là pour des êtres aimés ; les physionomies trahissaient quelque chose d’inquiet, d’étonné, de fébrile. Les pas étaient précipités, comme si, en marchant plus vite, on avait chance d’échapper au péril ; et puis aussi on se hâtait de rentrer chez soi. On laissait la vie, la santé, le bonheur dans sa maison ; deux heures après, on y retrouvait souvent l’agonie, la mort, le désespoir.

À chaque instant, des choses nouvelles et sinistres frappaient votre vue : tantôt passaient par les rues des charrettes remplies de cercueils symétriquement empilés. Elles s’arrêtaient devant chaque demeure ; des hommes, vêtus de gris et de noir, attendaient sous la porte ; ils tendaient les bras, et à ceux-ci l’on jetait un cercueil, à ceux-là deux, souvent trois ou quatre, dans la même maison, si bien que parfois, la provision étant vite épuisée, bien des morts de la rue n’étaient pas servis, et la charrette, arrivée pleine, s’en allait vide.

Dans presque toutes les maisons, de bas en haut, de haut en bas, c’était un bruit de marteaux assourdissant : on clouait des bières, on