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il n’est pas assez grand pour savoir à l’occasion se faire petit… » Comprenez-vous ?

— Pas très-bien, dit le père d’Aigrigny en rougissant.

— Tant pis pour vous, reprit Rodin ; cela prouve que j’avais raison. Eh bien ! puisqu’il faut vous le dire, j’ai eu, moi, assez d’esprit pour faire le plus sot métier du monde pendant six semaines… Oui, tel que vous me voyez, j’ai fait la causette avec une grisette ; j’ai parlé progrès, humanité, liberté, émancipation de la femme… avec une jeune fille à tête folle ; j’ai parlé grand Napoléon, fétichisme bonapartiste, avec un vieux soldat imbécile ; j’ai parlé gloire impériale, humiliation de la France, espérance dans le roi de Rome, avec un brave homme de maréchal de France qui, s’il a le cœur plein d’adoration pour ce voleur de trônes qui a tiré le boulet à Sainte-Hélène, a la tête aussi creuse, aussi sonore qu’une trompette de guerre ;… aussi, soufflez dans cette boîte sans cervelle quelques notes guerrières ou patriotiques, et voilà que ça donne des fanfares ahuries sans savoir pour qui, pour quoi, ni comment. J’ai bien fait plus, sur ma foi !… j’ai parlé amourette avec un jeune tigre sauvage. Quand je vous le disais, que c’était lamentable de voir un homme un peu intelligent s’amoin-