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avait jusqu’alors porté si haut dans son cœur, celui qu’elle avait admiré à l’égal d’un héros et d’un dieu, celui qu’elle avait cru plongé dans un désespoir si affreux, qu’entraînée par la plus tendre pitié, elle lui avait loyalement écrit, afin qu’une douce espérance calmât ses douleurs ;… celui-là enfin répondait à une généreuse preuve de franchise et d’amour en se donnant ridiculement en spectacle avec une créature indigne de lui. Pour la fierté d’Adrienne, que d’incurables blessures ! Peu lui importait que Djalma crût ou non la rendre témoin de cet indigne affront.

Mais lorsqu’elle se vit reconnue par le prince, mais lorsqu’il poussa l’outrage jusqu’à la regarder en face, jusqu’à la braver en portant à ses lèvres le bouquet de la créature qui l’accompagnait, Adrienne, saisie d’une noble indignation, se sentit le courage de rester ; loin de fermer les yeux à l’évidence, elle éprouva une sorte de plaisir barbare à assister à l’agonie, à la mort de son pur et divin amour.

Le front haut, l’œil fier et brillant, la joue colorée, la lèvre dédaigneuse, à son tour elle regarda le prince avec une méprisante fermeté ; un sourire sardonique effleura ses lèvres, et elle dit à la marquise tout occupée, ainsi que