Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/362

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Encore une fois, mademoiselle, ne m’interrogez pas sur un sujet si redoutable ; les murailles de cette maison ont des oreilles, ainsi qu’on dit vulgairement.

Adrienne et Dagobert se regardèrent avec une surprise croissante.

La Mayeux, par un instinct d’une persistance incroyable, continuait à éprouver un sentiment de défiance invincible contre Rodin ; quelquefois elle le regardait longtemps à la dérobée, tâchant de pénétrer sous le masque de cet homme qui l’épouvantait. Un moment le jésuite rencontra le regard inquiet de la Mayeux obstinément attaché sur lui ; il lui fit aussitôt un petit signe de tête plein d’aménité ; la jeune fille, effrayée de se voir surprise, détourna les yeux en tressaillant.

— Non, non, ma chère demoiselle, reprit Rodin, avec un soupir en voyant que mademoiselle de Cardoville s’étonnait de son silence, ne m’interrogez pas sur la puissance de l’abbé d’Aigrigny.

— Mais encore une fois, monsieur, reprit Adrienne, pourquoi cette hésitation à me répondre ? Que craignez-vous ?

— Ah ! ma chère demoiselle, dit Rodin en frissonnant, ces gens-là sont si puissants !… leur animosité est si terrible !