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rusés, tels que je puis les juger maintenant ? Voulez-vous une nouvelle preuve de leur haineux aveuglement ? Parmi ce qu’ils appelaient vos monstrueuses folies, quelle était la plus scélérate, la plus damnable ? c’était votre résolution de vivre désormais seule et à votre guise, de disposer librement de votre présent et de votre avenir ; ils trouvaient cela odieux, détestable, immoral. Et pourtant votre résolution était-elle dictée par un fol amour de liberté ? non ! Par une aversion désordonnée de tout joug, de toute contrainte ? non ! Par l’unique désir de vous singulariser ? non ! car alors, je vous aurais durement blâmée.

— D’autres raisons m’ont en effet guidée, monsieur, je vous l’assure, dit vivement Adrienne, devenant très-jalouse de l’estime que son caractère pourrait inspirer à Rodin.

— Eh ! je le sais bien, vos motifs n’étaient et ne pouvaient être qu’excellents, reprit le jésuite. Cette résolution si attaquée, pourquoi la prenez-vous ? Est-ce pour braver les usages reçus ? Non ! vous les avez respectés tant que la haine de madame de Saint-Dizier ne vous a pas forcée de vous soustraire à son impitoyable tutelle. Voulez-vous vivre seule pour échapper à la surveillance du monde ? Non, vous serez cent fois plus en évidence dans cette vie ex-