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blement ; hélas ! j’avais raison de vouloir m’opposer à votre voyage en Amérique.

— Et la Providence a voulu que ce fût dans ce pays neuf, fécond et libre, qu’éclairé par un hasard singulier sur le présent et sur le passé, mes yeux se soient enfin ouverts, s’écria Gabriel. Oui, c’est en Amérique que, sortant de la sombre maison où j’avais passé tant d’années de ma jeunesse, et me trouvant pour la première fois face à face avec la majesté divine, au milieu des immenses solitudes que je parcourais… c’est là qu’accablé devant tant de magnificence et tant de grandeur, j’ai fait serment…

Mais Gabriel, s’interrompant, reprit :

— Tout à l’heure, mon père, je m’expliquerai sur ce serment ; mais croyez-moi, ajouta le missionnaire avec un accent profondément douloureux, ce fut un jour bien fatal, bien funeste, que celui où j’ai dû redouter et accuser ce que j’avais béni et révéré pendant si longtemps… Oh ! je vous l’assure, mon père… ajouta Gabriel les yeux humides, ce n’est pas sur moi seul qu’alors j’ai pleuré.

— Je connais la bonté de votre cœur, mon cher fils…, reprit le père d’Aigrigny, renaissant à une lueur d’espoir en voyant l’émotion de Gabriel, je crains que vous n’ayez été égaré ; mais confiez-vous à nous comme à vos pères spiri-