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Ces choses vous ont usé à moitié. Vous ne serez jamais maintenant qu’un subalterne ; vous êtes jugé. Il vous manquera toujours cette vigueur, cette concentration d’esprit qui domine hommes et événements. Cette vigueur, cette concentration d’esprit, je l’ai, moi, et si je l’ai… savez-vous pourquoi ? C’est que, uniquement voué au service de notre compagnie, j’ai toujours été laid, sage et vierge ;… oui, vierge… toute ma virilité est là…

En prononçant ces mots, d’un orgueilleux cynisme, Rodin était effrayant.

La princesse de Saint-Dizier le trouva presque beau d’audace et d’énergie.

Le père d’Aigrigny, se sentant dominé d’une manière invincible, inexorable, par cet être diabolique, voulut tenter un dernier effort et s’écria :

— Eh ! monsieur, ces forfanteries ne sont pas des preuves de valeur et de puissance ;… on vous verra à l’œuvre…

— On m’y verra…, reprit froidement Rodin ; et savez-vous à quelle œuvre ? (Rodin affectionnait cette formule interrogative) à celle que vous abandonnez si lâchement…

— Que dites-vous ? s’écria la princesse de Saint-Dizier, car le père d’Aigrigny, stupéfait de l’audace de Rodin, ne trouvait pas une parole.