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mais pauvres ; leur éducation ne me permettant pas de les soumettre à une humiliante domesticité, j’ai rendu leur condition aimable et douce ; elles ne me servent pas, elles me rendent service ; je les paye, mais je leur suis reconnaissante… Subtilités, du reste, que vous ne comprendrez pas, madame, je le sais… Au lieu de les voir mal ou peu gracieusement vêtues, je leur ai donné des habits qui vont bien à leurs charmants visages, parce que j’aime ce qui est jeune, ce qui est beau ; que je m’habille d’une façon ou d’une autre, cela ne regarde que mon miroir. Je sors seule parce qu’il me plaît d’aller où me guide ma fantaisie ; je ne vais pas à la messe, soit ; si j’avais encore ma mère, je lui dirais quelles sont mes dévotions, et elle m’embrasserait tendrement… J’ai élevé un grand autel païen à la jeunesse et à la beauté, c’est vrai ; parce que j’adore Dieu dans tout ce qu’il fait de beau, de bon, de noble, de grand, et mon cœur, du matin au soir, répète cette prière fervente et sincère : Merci, mon Dieu ! merci… M. Baleinier, dites-vous, madame, m’a souvent trouvée dans ma solitude en proie à une exaltation étrange ;… oui… cela est vrai… c’est qu’alors, échappant par la pensée à tout ce qui me rend le présent si odieux, si pénible, si laid, je me réfugiais dans l’avenir ; c’est qu’a-