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tement son rôle ; mais alors on agit avec ces caractères-là comme il convient.

Madame de Saint-Dizier s’était exprimée d’une manière ferme et précise ; elle paraissait convaincue de la possibilité d’exécuter ce dont elle menaçait sa nièce. M. Tripeaud et M. d’Aigrigny venaient de donner un assentiment complet aux paroles de la princesse ; Adrienne commença de voir qu’il s’agissait de quelque chose de fort grave ; alors sa gaieté fit place à une ironie amère, à une expression d’indépendance révoltée.

Elle se leva brusquement et rougit un peu, ses narines roses se dilatèrent, son œil brilla, elle redressa la tête en secouant légèrement sa belle chevelure ondoyante et dorée, par un mouvement rempli d’une fierté qui lui était naturelle, et elle dit à sa tante d’une voix incisive, après un moment de silence :

— Vous avez parlé du passé, madame, j’en dirai donc aussi quelques mots, mais vous m’y forcez… oui, je le regrette… J’ai quitté votre demeure, parce qu’il m’était impossible de vivre davantage dans cette atmosphère de sombre hypocrisie et de noires perfidies…

— Mademoiselle…, dit M. d’Aigrigny, de telles paroles sont aussi violentes que déraisonnables.