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« J’arrive à Toulouse ; on m’apprend qu’il est parti la veille, emportant des armes, et en proie au plus violent désespoir. Impossible de savoir d’abord où il est allé ; au bout de deux jours quelques indications recueillies à grand’peine me mettent sur ses traces ; enfin, après mille recherches, je le découvre dans un misérable village. Jamais, non jamais je ne vis un désespoir pareil : rien de violent, mais un abattement sinistre, un silence farouche ; d’abord il me repoussa presque ; puis cette horrible douleur, arrivée à son comble, se détendit peu à peu, et au bout d’un quart d’heure il tomba dans mes bras en fondant en larmes… Près de lui étaient ses armes chargées… Un jour plus tard, peut-être… et c’était fait de lui… Je ne puis vous apprendre la cause de son désespoir affreux ; ce secret n’est pas le mien ; mais son désespoir ne m’a pas étonné… Que vous dirai-je ? c’est une cure complète à faire. Maintenant il faut calmer, soigner, cicatriser cette pauvre âme, si cruellement déchirée. L’amitié seule peut entreprendre cette tâche délicate, et j’ai bon espoir… Je l’ai décidé à partir et à faire un voyage de quelque temps ; le mouvement, la distraction, lui seront favorables… Je le mène à Nice, demain nous partons… S’il veut prolonger cette excursion, nous la prolongerons,