Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec une aisance parfaite ; sa physionomie était gaie, souriante ; ses grands yeux noirs semblaient encore plus brillants que de coutume. Lorsqu’elle aperçut l’abbé d’Aigrigny, elle fit un mouvement de surprise, et un sourire quelque peu moqueur effleura ses lèvres vermeilles ; après avoir fait un gracieux signe de tête au docteur et passé devant le baron Tripeaud sans le regarder, elle salua la princesse d’une demi-révérence du meilleur et du plus grand air.

Quoique la démarche et la tournure de mademoiselle Adrienne fussent d’une extrême distinction, d’une convenance parfaite et surtout empreintes d’une grâce toute féminine, on y sentait pourtant un je ne sais quoi de résolu, d’indépendant et de fier, très-rare chez les femmes, surtout chez les jeunes filles de son âge ; enfin ses mouvements, sans être brusques, n’avaient rien de contraint, de raide ou d’apprêté ; ils étaient, si cela se peut dire, francs et dégagés comme son caractère ; on y sentait circuler la vie, la sève, la jeunesse, et l’on devinait que cette organisation, complètement expansive, loyale et décidée, n’avait pu jusqu’alors se soumettre à la compression d’un rigorisme affecté.

Chose assez bizarre ! quoiqu’il fût homme