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— Quel abbé, ma mère ?

— M. l’abbé d’Aigrigny.

— En effet, chère mère, avant d’être prêtre il était militaire… peut-être serait-il plus accessible qu’un autre… et pourtant…

— D’Aigrigny ! s’écria Dagobert avec une expression d’horreur et de haine. Il y a ici, mêlé à ces trahisons, un homme qui, avant d’être prêtre, a été militaire, et qui s’appelle d’Aigrigny ?

— Oui, mon père, le marquis d’Aigrigny… avant la restauration… il avait servi en Russie… et, en 1815, les Bourbons lui ont donné un régiment…

— C’est lui ! dit Dagobert d’une voix sourde, encore lui ! toujours lui ! comme un mauvais démon… qu’il s’agisse de la mère, du père ou des enfants.

— Que dis-tu, mon père ?

— Le marquis d’Aigrigny ! s’écria Dagobert. Savez-vous quel est cet homme ? Avant d’être prêtre, il a été le bourreau de la mère de Rose et de Blanche, qui méprisait son amour. Avant d’être prêtre… il s’est battu contre son pays, et s’est trouvé deux fois face à face à la guerre avec le général Simon… Oui, pendant que le général était prisonnier à Leipzig, criblé de blessures à Waterloo, l’autre, le marquis renégat, triomphait avec les Russes et les Anglais !