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depuis que ta mère nous a dévoilé ces trames diaboliques, je ne sais… mais je me sens moins fort… moins résolu… Tout ce qui se passe autour de nous me semble effrayant. L’enlèvement de ces enfants n’est plus une chose isolée, mais une ramification d’un vaste complot qui nous entoure et nous menace… Il me semble que moi et ceux que j’aime nous marchons la nuit, au milieu des serpents… au milieu d’ennemis et de pièges qu’on ne peut ni voir ni combattre… Enfin, que veux-tu que je te dise ?… moi, je n’ai jamais craint la mort… je ne suis pas lâche… eh bien ! maintenant, je l’avoue… oui, je l’avoue… ces robes noires me font peur… oui… j’en ai peur…

Dagobert prononça ces mots avec un accent si sincère que son fils tressaillit, car il partageait la même impression.

Et cela devait être ; les caractères francs, énergiques, résolus, habitués à agir et à combattre au grand jour, ne peuvent ressentir qu’une crainte, celle d’être enlacés et frappés dans les ténèbres par des ennemis insaisissables ; ainsi, Dagobert avait vingt fois affronté la mort, et pourtant, en entendant sa femme exposer naïvement ce sombre tissu de trahisons, de fourberies, de mensonges, de noirceurs, le soldat éprouvait un vague effroi ; et quoique rien ne