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pour ne pas sentir toute la justesse des observations de son fils et de la Mayeux ; mais il savait aussi qu’il fallait qu’à tout prix les orphelines fussent libres avant le lendemain. Cette alternative était terrible, si terrible que, portant ses deux mains à son front brûlant, Dagobert tomba assis sur un banc de pierre, comme anéanti par l’inexorable fatalité de sa position.

Agricol et la Mayeux, profondément touchés de ce muet désespoir, échangèrent un triste regard. Le forgeron, s’asseyant à côté du soldat, lui dit :

— Mais, mon père, rassure-toi donc ; songe à ce que la Mayeux vient de dire ;… en allant avec cette bague de mademoiselle de Cardoville chez ce monsieur qui est très-influent, tu le vois, ces demoiselles peuvent être libres demain… suppose même, au pis aller, qu’elles ne te soient rendues qu’après-demain…

— Tonnerre et sang ! vous voulez donc me rendre fou ? s’écria Dagobert en bondissant sur son banc et en regardant son fils et la Mayeux avec une expression si sauvage, si désespérée, qu’Agricol et l’ouvrière en reculèrent avec autant de surprise que d’inquiétude.

— Pardon, mes enfants, dit Dagobert en revenant à lui après un long silence, j’ai tort