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des ais de la claire-voie, elle la tendit à la Mayeux.

Les mots et le geste de la belle patricienne furent empreints d’une cordialité si vraie, que l’ouvrière, sans fausse honte, mit en tremblant dans la ravissante main d’Adrienne sa pauvre main amaigrie…

Alors mademoiselle de Cardoville, par un mouvement de pieux respect, la porta spontanément à ses lèvres en disant :

— Puisque je ne puis vous embrasser comme une sœur, vous qui me sauvez… que je baise au moins cette noble main glorifiée par le travail.

Tout à coup, des pas se firent entendre dans le jardin du docteur Baleinier ; Adrienne se redressa brusquement et disparut derrière des arbres verts, en disant à la Mayeux :

— Courage, souvenir et espoir !

Tout ceci s’était passé si rapidement, que la jeune ouvrière n’avait pu faire un pas ; des larmes, mais des larmes cette fois bien douces, coulaient abondamment sur ses joues pâles.

Une jeune fille comme Adrienne de Cardoville la traiter de sœur, lui baiser la main, et se dire fière de lui ressembler par le cœur, à elle, pauvre créature végétant au plus profond de l’abîme de la misère ! c’était montrer un sentiment