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Adrienne aimait passionnément la beauté physique ; mais elle avait l’esprit trop supérieur, l’âme trop noble, le cœur trop sensible, pour ne pas savoir apprécier la beauté morale qui rayonne souvent sur une figure humble et souffrante. Seulement, cette appréciation était toute nouvelle pour mademoiselle de Cardoville ; jusqu’alors sa haute fortune, ses habitudes élégantes, l’avaient tenue éloignée des personnes de la classe de la Mayeux.

Après un moment de silence, pendant lequel la belle patricienne et l’ouvrière misérable s’étaient mutuellement examinées avec une surprise croissante, Adrienne dit à la Mayeux :

— La cause de notre étonnement à toutes deux est, je crois, facile à deviner ; vous trouvez sans doute que je parle assez raisonnablement pour une folle, si l’on vous a dit que je l’étais. Et moi, ajouta mademoiselle de Cardoville d’un ton de commisération pour ainsi dire respectueuse, et moi je trouve que la délicatesse de votre langage et de vos manières contraste si douloureusement avec la position où vous semblez être, que ma surprise doit encore surpasser la vôtre.

— Ah ! mademoiselle, s’écria la Mayeux avec une expression de bonheur tellement sincère et profond, que ses yeux se voilèrent de larmes