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je t’enverrai la moitié de l’argent, je garderai le reste ; ça me fera quelques jours.

— Et après ? après ?

— Après ?… Dame… alors… je ne sais pas, moi, mon Dieu, que veux-tu que je te dise ?… après, je verrai…

— Écoute, Céphyse, reprit Jacques avec une amertume navrante, c’est maintenant… que je vois comme je t’aime… j’ai le cœur serré comme dans un étau en pensant que je vais te quitter… ça me donne des frissons de ne pas savoir ce que tu deviendras…

Puis, passant la main sur son front, Jacques ajouta :

— Vois-tu… ce qui nous a perdus, c’est de nous dire toujours : Demain n’arrivera pas ; et tu le vois, demain arrive. Une fois que je ne serai plus près de toi, une fois que tu auras dépensé le dernier sou de ces hardes que tu vas vendre… incapable de travailler comme tu l’es maintenant… que feras-tu ?… veux-tu que je te le dise, moi… ce que tu feras ? tu m’oublieras et…

Puis, comme s’il eût reculé devant sa pensée, Jacques s’écria avec rage et désespoir :

— Misère de Dieu ! si cela devait arriver, je me briserais la tête sur un pavé !

Céphyse devina la réticence de Jacques ;