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crever. Alors tout mon bon feu s’est éteint, je me suis dit : Qu’est-ce qu’il m’en reviendra de faire plus que je ne dois ? Est-ce que quand mon travail rapporte des monceaux d’or à M. Tripeaud, j’en ai seulement un atome ? Aussi, comme je n’avais aucun avantage d’amour-propre ou d’intérêt à travailler, j’ai pris le travail en dégoût, j’ai fait tout juste ce qu’il fallait pour gagner ma paye ; je suis devenu flâneur, paresseux, bambocheur, et je me disais : Quand ça m’ennuiera par trop de travailler, je ferai comme le père Arsène et sa femme…

Pendant que Jacques se laissait emporter malgré lui à ces pensées amères, les autres convives, avertis par la pantomime expressive de Dumoulin et de la reine Bacchanal, s’étaient tacitement concertés ; aussi, à un signe de la reine Bacchanal qui sauta sur la table, renversant du pied les bouteilles et les verres, tous se levèrent en criant avec accompagnement de la crécelle de Nini-Moulin :

— La tulipe orageuse !… on demande le quadrille de la tulipe orageuse !

À ces cris joyeux, qui éclatèrent comme une bombe, Jacques tressaillit ; puis, après avoir regardé ses convives avec étonnement, il passa la main sur son front comme pour chasser les idées pénibles qui le dominaient, et cria :