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Un incident vint encore rendre ce contraste plus frappant.

On entendit tout à coup des cris joyeux dans la salle voisine, et ces mots retentirent, prononcés avec enthousiasme :

— Vive la reine Bacchanal !… vive la reine Bacchanal !…

La Mayeux tressaillit, et ses yeux se remplirent de larmes en voyant sa sœur qui, le visage caché dans ses mains, semblait écrasée de honte.

— Céphyse, lui dit-elle, je t’en supplie… ne t’afflige pas ainsi… tu me ferais regretter le bonheur de cette rencontre, et j’en suis si heureuse !… il y a si longtemps que je ne t’ai vue… mais qu’as-tu ? dis-le-moi…

— Tu me méprises peut-être… et tu as raison, dit la reine Bacchanal en essuyant ses yeux.

— Te mépriser !… moi, mon Dieu… et pourquoi ?

— Parce que je mène la vie que je mène… au lieu d’avoir comme toi le courage de supporter la misère…

La douleur de Céphyse était si navrante, que la Mayeux, toujours indulgente et bonne, voulut avant tout consoler sa sœur, la relever un peu à ses propres yeux, et lui dit tendrement :

— En la supportant bravement pendant une