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qu’il n’eût pas reçu une commotion plus violente, plus profonde ; il devint pâle ; son front chauve se couvrit d’une sueur froide ; le regard fixe, hébété, il resta pendant quelques secondes immobile, muet, pétrifié.

Puis sortant comme en sursaut de cette torpeur éphémère, par un mouvement d’une énergie terrible, il prit sa femme par les deux épaules, et, l’enlevant aussi facilement qu’il eût enlevé une plume, il la planta debout devant lui, et alors, penché vers elle, il s’écria avec un accent à la fois effrayant et désespéré :

— Les enfants !…

— Grâce !… grâce !… dit Françoise d’une voix éteinte.

— Où sont les enfants ?… répéta Dagobert en secouant entre ses mains puissantes ce pauvre corps frêle, débile, et il ajouta d’une voix tonnante : Répondras-tu ?… Ces enfants !

— Tue-moi… ou pardonne-moi… car je ne peux pas te répondre…, répondit l’infortunée avec cette opiniâtreté à la fois inflexible et douce des caractères timides, lorsqu’ils sont convaincus d’agir selon le bien.

— Malheureuse !… s’écria le soldat.

Et fou de colère, de douleur, de désespoir, il souleva sa femme comme s’il eût voulu la lancer et la briser sur le carreau… Mais cet excel-