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comme je maîtrisais la fougue de mon cheval de bataille… Eh bien ! aujourd’hui, malgré nos mauvais jours… je me sens mille fois plus d’action, plus d’autorité, plus de force, plus d’audace, à la tête de cette milice noire et muette, qui pense, veut, va et obéit machinalement selon ma volonté !

— Combien vous avez raison, Frédérik !… reprit vivement la princesse, avec quel mépris on songe au passé !… Comme vous, souvent, je le compare au présent, et alors quelle satisfaction je ressens d’avoir suivi vos conseils ! Car, enfin, sans vous je jouerais le rôle misérable et ridicule que joue toujours une femme sur le retour lorsqu’elle a été belle et entourée… Que ferais-je à cette heure ? Je m’efforcerais en vain de retenir autour de moi ce monde égoïste et ingrat, ces hommes grossiers qui ne s’occupent des femmes que tant qu’elles peuvent servir à leurs passions ou flatter leur vanité ; ou bien il me resterait la ressource de tenir ce qu’on appelle une maison agréable… pour les autres… oui… donner des fêtes, c’est-à-dire recevoir une foule d’indifférents, et offrir des occasions de se rencontrer à de jeunes couples amoureux qui, se suivant chaque soir de salon en salon, ne viennent chez vous que pour se trouver en-