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de la persistance du carlin à méconnaître ses affectueux appels, se baissa afin de le prendre sous la banquette où elle le croyait sournoisement tapi ; elle sentit une patte, qu’elle tira impatiemment à soi en disant d’un ton moitié plaisant, moitié fâché :

— Allons, bon sujet… vous allez donner à ces chères demoiselles une jolie idée de votre odieux caractère…

Ce disant, elle prit le carlin, fort étonnée de la nonchalante morbidezza de ses mouvements ; mais quel fut son effroi lorsque, l’ayant mis sur ses genoux, elle le vit sans mouvement !

— Une apoplexie ! s’écria-t-elle, le malheureux mangeait trop… j’en étais sûre.

Puis se retournant avec vivacité :

— Cocher, arrêtez… arrêtez ! s’écria madame Grivois, sans songer que le cocher ne pouvait l’entendre ; puis soulevant la tête de Monsieur, croyant qu’il n’était qu’évanoui, elle aperçut avec horreur la trace saignante de cinq ou six profonds coups de crocs qui ne pouvaient lui laisser aucun doute sur la cause de la fin déplorable du carlin.

Son premier mouvement fut tout à la douleur, au désespoir.

— Mort… s’écria-t-elle, mort !… il est déjà froid… mort !… ah ! mon Dieu !…