Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/254

Cette page a été validée par deux contributeurs.

traits altérés par la frayeur et par le chagrin, à une créature vêtue plus que misérablement, qui porte en hiver une mauvaise robe de toile souillée de boue, trempée de neige fondue, car l’ouvrière était allée bien loin et avait marché bien longtemps ;… aussi l’agent de police reprit-il sévèrement, toujours de par cette loi suprême des apparences, qui fait que la pauvreté est toujours suspectée :

— Un instant… la fille, il paraît que tu es bien pressée, puisque tu laisses tomber ton argent sans le ramasser ?…

— Elle l’avait donc caché dans sa bosse, son argent ? dit d’une voix enrouée un marchand d’allumettes chimiques, type hideux et repoussant de la dépravation précoce.

Cette plaisanterie fut accueillie par des rires, des cris et des huées qui portèrent au comble le trouble, la terreur de la Mayeux ; à peine put-elle répondre d’une voix faible à l’agent de police qui lui présentait les deux pièces d’argent que le sergent de ville lui avait remises :

— Mais, monsieur… cet argent n’est pas à moi.

— Vous mentez, reprit le sergent de ville en s’approchant, une dame respectable l’a vu tomber de votre poche…

— Monsieur… je vous assure que non…, répondit la Mayeux toute tremblante.