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C’est avec la plus grande peine que Françoise put arriver jusqu’à la porte de l’église, somptueusement tendue.

Quel contraste avec l’humble convoi du pauvre qui s’était le matin si timidement présenté sous le porche !

Le nombreux clergé de la paroisse, au grand complet, s’avançait alors majestueusement pour recevoir le cercueil drapé de velours ; la moire et la soie des chapes et des étoles noires, leurs splendides broderies d’argent étincelaient à la lueur de mille cierges.

Le suisse se prélassait dans son éblouissante livrée à épaulettes ; le bedeau, portant allègrement son bâton de baleine, lui faisait vis-à-vis d’un air magistral ; la voix des chantres en surplis frais et blancs tonnait en éclats formidables : les ronflements des serpents ébranlaient les vitres ; on lisait enfin sur la figure de tous ceux qui devaient prendre part à la curée de ce riche mort, de cet excellent mort, de ce mort de première classe, une satisfaction à la fois jubilante et contenue, qui semblait encore augmentée par l’attitude et par la physionomie des deux héritiers, grands gaillards robustes au teint fleuri, qui, sans enfreindre les lois de cette modestie charmante qui est la pudeur de la félicité, semblaient se complaire, se bercer, se