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femmes valétudinaires, ces petits enfants hors d’état de pouvoir gagner leur pain quotidien ? S’il y a, par hasard, un peu de linge et quelques vêtements à la maison, on portera le tout au mont-de-piété ; avec cette ressource on vivra peut-être une semaine… mais ensuite ?

Et si l’hiver vient ajouter ses rigueurs à cette effrayante et inévitable misère ?

Alors l’artisan prisonnier verra par la pensée, pendant ses longues nuits d’insomnie, ceux qui lui sont chers, hâves, décharnés, épuisés de besoin, couchés presque nus sur une paille sordide, et cherchant, en se pressant les uns contre les autres, à réchauffer leurs membres glacés…

Puis, si l’artisan sort acquitté, c’est la ruine, c’est le deuil qu’il trouve au retour dans sa pauvre demeure.

Et puis enfin, après un chômage si long, ses relations de travail sont rompues ; que de jours perdus pour retrouver de l’ouvrage ! et un jour sans labeur, c’est un jour sans pain…

Répétons-le, si la loi n’offrait pas, dans certaines circonstances, à ceux qui sont riches, le bénéfice de la caution, on ne pourrait que gémir sur des malheurs privés et inévitables ; mais puisque la loi consent à mettre provisoirement en liberté ceux qui possèdent une certaine