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des choses de cette médaille ; tant que notre père ne sera pas ici, tant que nos espérances ne seront pas réalisées, nous serons toujours de pauvres orphelines, obligées d’être à charge à cette brave famille à qui nous devons tant, et qui, après tout, est si gênée… que…

— Pourquoi t’interromps-tu, ma sœur ?

— Ce que je vais te dire ferait rire d’autres personnes, mais toi, tu comprendras : hier, la femme de Dagobert, en voyant manger ce pauvre Rabat-Joie, a dit tristement : « Hélas ! mon Dieu, il mange comme une personne… » La manière dont elle a dit cela, m’a donné envie de pleurer ; juge s’ils sont pauvres… et pourtant, nous venons encore augmenter leur gêne…

Et les deux sœurs se regardèrent tristement, tandis que Rabat-Joie faisait mine de ne pas entendre ce qu’on disait de sa voracité.

— Ma sœur, je te comprends…, dit Rose après un moment de silence. Eh bien ! il ne faut être à charge de personne… Nous sommes jeunes, nous avons bon courage. En attendant que notre position se décide, regardons-nous comme des filles d’ouvriers… Après tout, notre grand-père n’était-il pas artisan lui-même ? Trouvons donc de l’ouvrage et gagnons notre vie… Gagner sa vie… Comme on doit être fière… heureuse !…