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celui du docteur qui semblait la fasciner ; muette, accablée, saisie d’une vague terreur, incapable de pénétrer dans les profondeurs ténébreuses de l’âme de cet homme, émue malgré elle par la sincérité moitié feinte, moitié vraie, de son accent touchant et douloureux… la jeune fille eut un moment de doute.

Pour la première fois il lui vint à l’esprit que M. Baleinier commettait une erreur affreuse… mais que peut-être il la commettait de bonne foi…

D’ailleurs, les angoisses de la nuit, les dangers de sa position, son agitation fébrile, tout concourait à jeter le trouble et l’indécision dans l’esprit de la jeune fille ; elle contemplait le médecin avec une surprise croissante ; puis faisant un violent effort sur elle-même pour ne pas céder à une faiblesse dont elle entrevoyait les conséquences effrayantes, elle s’écria :

— Non… non, monsieur… je ne veux pas… je ne puis croire… vous avez trop de savoir, trop d’expérience pour commettre une pareille erreur…

— Une erreur !… dit M. Baleinier d’un ton grave et triste, une erreur !… laissez-moi vous parler au nom de ce savoir, de cette expérience que vous m’accordez ; écoutez-moi quelques