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naseaux frissonnants ; il roidissait sa longe comme s’il eût voulu la rompre, afin de s’éloigner de la cloison où s’appuyaient sa mangeoire et le râtelier ; une sueur abondante et froide marbrait sa robe de tons bleuâtres, et au lieu de se détacher lisse et argenté sur le fond sombre de l’écurie, son poil était partout piqué, c’est-à-dire terne et hérissé ; enfin, de temps à autre, des tressaillements convulsifs agitaient son corps.

— Eh bien !… eh bien ! vieux Jovial…, dit le soldat en posant la vannette par terre afin de pouvoir caresser son cheval, tu es donc comme ton maître… tu as peur ? ajouta-t-il avec amertume, en songeant à l’offense qu’il avait dû supporter. Tu as peur… toi qui n’es pourtant pas poltron d’habitude…

Malgré les caresses et la voix de son maître, le cheval continua de donner des signes de terreur ; pourtant il roidit moins sa longe, approcha ses naseaux de la main de Dagobert avec hésitation et en flairant bruyamment comme s’il eût douté que ce fût lui.

— Tu ne me reconnais plus ! s’écria Dagobert, il se passe donc ici quelque chose d’extraordinaire ?

Et le soldat regarda autour de lui avec inquiétude.