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Que l’on juge de la surprise du capitaine et de ses cavaliers, lorsqu’ils virent cette grande et sévère figure s’avancer au pas de son cheval, en appuyant ses pieds nus sur ses étriers et pressant sa monture entre ses jambes également nues.

Le capitaine stupéfait s’approcha, et se rappelant l’occupation de son soldat au moment où l’on avait crié : Aux armes ! il comprit tout.

— Ah ! ah ! vieux lapin ! lui dit-il, tu fais comme le roi Dagobert, toi ? tu mets ta culotte à l’envers !…

Malgré la discipline, des éclats de rire mal contenus accueillirent ce lazzi du capitaine. Mais notre homme, droit sur sa selle, le pouce gauche sur le bouton de ses rênes parfaitement ajustées, la poignée de son sabre appuyée à sa cuisse droite, garda son imperturbable sang-froid, fit demi-tour, et regagna son rang sans sourciller, après avoir reçu les félicitations de son capitaine. De ce jour, François Baudoin reçut et garda le surnom de Dagobert.

Dagobert était donc sous le porche de l’auberge, occupé à savonner, au grand ébahissement de quelques buveurs de bière, qui, de la grande salle commune où ils s’assemblaient, le contemplaient d’un œil curieux.

De fait, c’était un spectacle assez bizarre.