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longues soies, étaient d’un feu ardent, ainsi que son museau, démesurément camard ; ses grands yeux pétillaient d’intelligence, et ses oreilles frisées étaient si longues, qu’elles traînaient à terre.

Georgette paraissait aussi vive, aussi pétulante que Lutine, dont elle partageait les ébats, courant après elle et se faisant poursuivre à son tour sur la verte pelouse.

Tout à coup, à la vue d’une seconde personne qui s’avançait gravement, Lutine et Georgette s’arrêtèrent subitement au milieu de leurs jeux. La petite King’s-Charles, qui était quelques pas en avant, hardie comme un diable et fidèle à son nom, se tint ferme sur ses pattes nerveuses, et attendit fièrement l’ennemi, en montrant deux rangs de petits crocs qui, pour être d’ivoire, n’en étaient pas moins pointus.

L’ennemi consistait en une femme d’un âge mûr, accostée d’un carlin très-gras, couleur de café au lait ; sa queue se tortillait en gimblette ; la panse arrondie, le poil lustré, le cou tourné un peu de travers, il marchait les jambes très-écartées, d’un pas doctoral et béat. Son museau noir, hargneux et renfrogné, que deux dents trop saillantes retroussaient du côté gauche, avait une expression singulièrement sournoise et vindicative.