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— Oui, votre temps d’héroïsme et de gloire, dit Agricol avec exaltation.

Puis il ajouta, d’une voix profondément tendre et émue :

— Sais-tu que c’est beau et bon d’être ton fils !…

— Pour beau… je n’en sais rien ;… pour bon… ça doit l’être, car je t’aime fièrement… Et quand je pense que ça ne fait que commencer, dis donc, Agricol ! Je suis comme ces affamés qui sont restés des jours sans manger… Ce n’est que petit à petit qu’ils se remettent… qu’ils dégustent… Or, tu peux t’attendre à être dégusté… mon garçon… matin et soir… tous les jours… Tiens, je ne veux pas penser à cela : tous les jours… ça m’éblouit… ça se brouille ; je n’y suis plus…

Ces mots de Dagobert firent éprouver un ressentiment pénible à Agricol ; il crut y voir le pressentiment de la séparation dont il était menacé.

— Ah çà ! tu es donc heureux ! M. Hardy est toujours bon pour toi ?

— Lui ?… dit le forgeron, c’est ce qu’il y a au monde de meilleur, de plus équitable et de plus généreux ; si vous saviez quelles merveilles il a accomplies dans sa fabrique ! comparée aux autres, c’est un paradis au milieu de l’enfer.

— Vraiment ?