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manteau se drapait autour des genoux des deux sœurs, et son capuchon retombait sur le dossier de leur selle.

Rose, entourant toujours de son bras droit la taille de sa sœur endormie, la contemplait avec une expression de tendresse ineffable, presque maternelle… car ce jour-là, Rose était l’aînée, et une sœur aînée est déjà presque une mère…

Non-seulement les deux jeunes filles s’idolâtraient, mais par un phénomène psychologique fréquent chez les êtres jumeaux, elles étaient presque toujours simultanément affectées ; l’émotion de l’une se réfléchissait à l’instant sur la physionomie de l’autre ; une même cause les faisait tressaillir et rougir, tant leurs jeunes cœurs battaient à l’unisson ; enfin, joies ingénues, chagrins amers, tout entre elles était mutuellement ressenti et aussitôt partagé.

Dans leur enfance, atteintes à la fois d’une maladie cruelle, comme deux fleurs sur une même tige, elles avaient plié, pâli, langui ensemble, mais ensemble aussi elles avaient retrouvé leurs fraîches et pures couleurs.

Est-il besoin de dire que ces liens mystérieux, indissolubles, qui unissaient les deux jumelles, n’eussent pas été brisés sans porter une mortelle atteinte à l’existence de ces pauvres enfants ?