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— Vous savez sans doute qu’après un duel terrible qu’il avait eu avec un forcené bonapartiste, nommé le général Simon, M. le colonel marquis d’Aigrigny (dont à cette heure j’ai l’honneur d’être le secrétaire intime) a quitté le monde pour l’Église…

— Ah ! monsieur… est-ce possible ?… ce beau colonel…

— Ce beau colonel, brave, noble, riche, entouré, fêté, a abandonné tant d’avantages pour endosser une pauvre robe noire, et malgré son nom, sa position, ses alliances, sa réputation de grand prédicateur, il est aujourd’hui ce qu’il était il y a quatorze ans… simple abbé… au lieu d’être archevêque ou cardinal comme tant d’autres qui n’avaient ni son mérite ni ses vertus…

M. Rodin s’exprimait avec tant de bonhomie, tant de conviction ; les faits qu’il citait semblaient si incontestables, que M. Dupont ne put s’empêcher de s’écrier :

— Mais, monsieur, c’est superbe cela…

— Superbe ?… mon Dieu, non, dit M. Rodin avec une inimitable expression de naïveté, c’est tout simple… quand on a le cœur de M. d’Aigrigny… Mais parmi ses qualités il a surtout celle de ne jamais oublier les braves gens, les gens de probité, d’honneur, de con-